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Autour de l'exposition De Vermeer à Van Gogh

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© Culturespaces / Vincent Pinson ,

La société hollandaise

Derrière la façade en brique de La Ruelle de Vermeer, la ville s’éveille et s’anime, laissant entrevoir les habitants saisis dans leurs activités quotidiennes. Dans le cadre des fenêtres, l’intime se dérobe dévoilant des femmes précieuses, servantes, marchands, savants, médecins peints sur le vif dans des scènes familières, à la manière d’une photographie. Johannes Vermeer, Gabriel Metsu, Frans van Mieris, Pieter de Hooch entre autres, les spécialistes de la peinture de genre, tendent le miroir d’une société prospère et sereine, qui invite à se plonger dans une époque et un style de vie soucieux de moralité et d’austérité.

Ces artistes du Nord multiplient les œuvres sur des thématiques similaires, voyagent pour observer le travail de leurs pairs et confrontent leurs toiles, formant un véritable réseau qui pousse toujours plus loin le thème de l’intime pour atteindre au XVIIe siècle, une forme de perfection.

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Vermeer et la scène de genre

La peinture de genre est un thème pictural porté à la perfection par Vermeer qui observe le quotidien et offre une interprétation précieuse et raffinée de ces sujets, qu’il met en scène dans une vision aux accents cinématographiques. Révélées dans des cadrages minutieusement choisis, ses figures féminines, telles que La Laitière ou La Dentellière, sont aspirées par leurs tâches, leurs tourments, leurs desseins, dans des intérieurs épurés et méditatifs, imaginés comme de véritables décors baignés par la lumière du peintre. Dans ces univers confinés, la présence des fenêtres offre une ouverture sur le monde extérieur. Délesté du détail superficiel, dans cette atmosphère du flou, Vermeer raconte l’invisible par l’action et encourage à imaginer le récit qui percera le mystère. Virtuose dans l’inventivité de l’utilisation des couleurs, le rendu des drapés et des reflets, ses jeux de lumière effleurent les visages et révèlent dans une tension dramatique les sujets par une technique sans précédent. En témoigne La Jeune fille à la perle qui offre un pouvoir d’attraction grâce à son jaune et son bleu, les couleurs signatures de l’artiste que Van Gogh admirera dans ses écrits.

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L’art de la musique

Le 4e art est un thème récurrent dans la peinture de genre. Atmosphère raffinée chez Vermeer, hédoniste chez Gerrit van Honthorst, les œuvres invitent à interrompre une leçon de musique, assister à un concert ou se joindre à un duo. Typique de l’éducation bourgeoise du XVIIe siècle, l’ambiance studieuse des joueuses de virginal, luth et viole de gambe mise en lumière par le regard précieux de Vermeer laisse aller l’imaginaire aux intrigues romantiques qui se lisent dans l’expression des visages et l’attitude des sujets.

Le ton se fait léger parmi les plumes qui virevoltent et les cupidons complices, durant les concerts de Gerrit van Honthorst qui laissent libre cours au plaisir de se joindre aux tablées colorées, où la musique résonne dans une grande allégresse. Influencé par le clair-obscur du Caravage, il convie ensuite aux scènes nocturnes, à la lumière de la bougie, à se joindre aux musiciens festifs peints par Frans Hals et Hendrick ter Brugghen.

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La foi

Libérée de la répression religieuse au XVIIe siècle, les Provinces-Unies sont une terre de liberté de culte, où toutes les croyances sont représentées. Vermeer, converti au catholicisme, peint ce qui sera considéré comme sa dernière œuvre L’Allégorie de la foi, incarnée par une figure féminine qui domine le monde, sur un sol en damier parsemé de symboles christiques tels que la pomme et le serpent. Loin du style baroque qui règne dans toute l’Europe catholique, le courant calviniste favorise une certaine sobriété et réserve architecturale. Emmanuel de Witte et Hendrick Cornelisz Vilet peignent des intérieurs d’église d’un blanc chaux, vide de toute décoration qui témoignent de cette quête d’austérité dans le dépouillement. La lumière naturelle apporte une sensation de réalisme et vient souligner la clarté des volumes. La nuit, peu à peu, tombe sur l’intérieur de l’église et Rembrandt, roi du clair-obscur, met en lumière les épisodes de la Bible dans des apparitions divines.

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Le portrait

Le portrait est un thème pictural prédominant durant le siècle d’or. C’est dans une palette terreuse et chaleureuse, que Rembrandt explore les contrastes de lumière, de matière et de tons. Dans une atmosphère grave où les bruns dominent, il se concentre sur les expressions et les émotions que fait naître la lumière. Précurseur du « selfie », il s’observe dans le miroir, étudie les expressions de son visage et scrute au plus près les détails d’une peau vieillissante, l’expression d’une ride, la légèreté d’un cheveu. Inspiré par son travail de gravure, à l’opposé d’une peinture lisse caractéristique du XVIIe siècle, il sculpte son visage dans la matière, se peignant sans fard ni artifice pour imprégner de vérité sa grande autobiographie picturale. La Ronde de Nuit, ce portrait collectif d’une milice d’Amsterdam, se caractérise par une asymétrie soignée dans la composition, qui donne une sensation de mouvement vers vous, observant l’effet d’agitation parmi les lances et les fusils. Ici, la touche de lumière minimale et essentielle de Rembrandt au service de la narration en fait un chef d’œuvre du clair-obscur.

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La fête des dieux

Dans un rouge hypnotisant, Abraham Bloemart, initiateur de l’école picturale d’Utrecht, nous convie aux banquets des dieux d’où émergent, immenses, les sujets des scènes mythologiques aux corps voluptueux et couleurs chatoyantes.

L’atmosphère devient ensuite féminine avec les œuvres de Rembrandt, qui peint Flora, Danaé, Athéna, Artémis, ces déesses aux visages humains dévoilées dans une grande intimité et sincérité, enveloppées par une lumière douce et chaleureuse.

La fête des Dieux de Cornelis van Poelenburgh, dont le maître n’est autre qu’Abraham Bloemaert, invite à prendre de la hauteur et à s’installer dans les nuages à une grande tablée divine, suspendue dans le ciel.

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Une fresque populaire

La nature hollandaise s’épanouit en sujet principal au XVIIe siècle. Jan van Goyen et Jacob van Ruisdael plantent le décor d’une balade bucolique, faite de paysages paisibles, de moulins, de plaines où les ciels chargés dominent et imprègnent les œuvres d’une atmosphère septentrionale unique. Dans ce décor champêtre de l’arrière-pays, Paulus Potter et Melchior d’Hondecoeter, peintres animaliers, s’emparent des sujets de ferme et de basse-cour dont ils réhaussent intérêt grâce à un réalisme détaillé.

Pendant que se dessine la campagne hollandaise du siècle d’or, Jan Steen invite aux fêtes de villages, réunions familiales et tavernes animées, les joyeux paysans et bourgeois qui se retrouvent autour d’abondantes victuailles préparées par les protagonistes des œuvres de Gerrit Dou. Les maîtres dévoilent une société festive, qui vous convie à entrer dans la danse.

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Scènes d’hiver

Un vent glacial soulève les flocons de neige qui virevoltent dans les airs tapissant de blanc les toits des chaumières et des églises, les ailes des moulins et les mâts de bateaux. L’hiver s’installe sur les polders, les lacs et canaux gelés, qui offrent à présent un véritable terrain de glisse aux habitants. Chez les Hollandais, le patinage était l’activité hivernale festive par excellence où toute la population chaussait ses patins, s’amusait au grand air sur la glace à jouer au Kolf ou glisser en traîneau. Enneigées, les œuvres désertiques de Jacob van Ruisdael et peuplées d’Hendrick Avercamp ont contribué à l’essor de ce thème au XVIIe siècle, où la fascination pour la nature et l’événement climatique est placée au premier plan et atteint son apogée.

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La conquête des mers

A la fin du XVIIe siècle, la flotte hollandaise domine le paysage maritime mondial et la mappemonde se précise grâce à une maîtrise de la cartographie par les mathématiciens et astronomes parmi les plus remarquables d’Europe. L’Astronome et Le Géographe, deux savants peints par Vermeer, ouvrent l’horizon et vous enjoignent à prendre le large vers la haute mer. Peuple de marins aguerris, les Hollandais voguent contre vents et marées sur une mer agitée, plongée dans le tumulte des tempêtes qui offrent le spectacle d’une nature déchaînée sous le pinceau de Ludolf Backuysen et Willem van de Velde le Jeune.

Le pays connaît aussi des batailles en mer peintes par Hendrick Cornelisz Vroom, notamment contre les Espagnols, et ses rivaux anglais qui souhaitent freiner l’expansion maritime en Atlantique. Le puissant empire hollandais qui s’étend du Brésil aux îles d’Indonésie, dont le port d’Amsterdam deviendra la ville la plus urbanisée et riche au monde, offrira un sentiment de prospérité et d’abondance aux habitants.

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Stilleven

Genre typiquement néerlandais, les « Stilleven » vous plongent dans un univers de contemplation au ralenti, accumulant en abondance objets inanimés, fleurs, nourriture, argenterie luxueuse et vanités de collection. Ces natures mortes célèbrent paradoxalement le vivant, dans un mouvement comme suspendu par les maîtres hollandais. Le décor de salle à manger est illuminé par le rayon de lumière qui vient réveiller les argenteries ciselées étincelantes et les fruits exotiques qui sont peints avec saveur laissant rêver à un potentiel festin. Dans un véritable souci de réalisme, Willem Claesz Heda expérimente les chocs de lumière sur les volumes, les harmonies et contrastes de couleurs, le relief et la texture des matières que révèlent ses œuvres figées dans l’instant présent. Pour célébrer la nature vivante à la hollandaise, les fleurs exotiques de Rachel Ruysch envahissent de leurs éclosions colorées l’intérieur de la maison, tel un bouquet final qui clôt le siècle d’or.

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Van Gogh, itinéraire de la couleur

Digne héritier de la tradition hollandaise du paysage, de la nature morte et du portrait des maîtres hollandais du siècle d’or, Vincent van Gogh quitte la Hollande et nous emmène sur son itinéraire qui mène de Paris à la Provence. C’est au contact de la scène artistique parisienne que Van Gogh poursuit sa réflexion sur la couleur et se déleste des teintes hollandaises.

Le peintre s’imprègne ensuite de la chaleur du Midi, révélant les rayons puissants du soleil qui réchauffent sa palette. Orange, ocre, rouge, vert olive, lavande, la nature s’empare des couleurs qui inspirent les chefs d’œuvre de l’artiste. Dans les champs de blé, les derniers rayons de soleil vous emportent dans une sieste méditerranéenne menant au final vers le songe d’une nuit étoilée. Immergé dans un tourbillon onirique par des volutes qui font perdre tout repère, terminez votre voyage la tête dans les étoiles.

Trois siècles de peinture hollandaise

Vers 1608

Avercamp est l'un des plus célèbres peintres de petits hivers, comme dans ce tableau peint vers 1608. Il fournira près de 50 tableaux illustrant cette « fièvre de la glace » qui prend les habitants dès que le gel survient. Il réalise ses études en plein air, puis les termine en atelier.

1623

Au 17ème siècle, entre 5 et 10 millions d’œuvres proviennent des Pays-Bas. Les tableaux s’acquièrent partout et les peintres sont assimilés à des artisans qui, comme eux, se spécialisent : Frans Hals choisit le portrait. Il peint en 1623 Le Bouffon au luth, un personnage populaire au regard espiègle.

1625

L’école d’Utrecht est un courant artistique influencé par le clair-obscur et le réalisme du Caravage, que les peintres hollandais découvrent en Italie. C’est le cas de Gerrit van Honthorst qui passe 10 ans à Rome. De retour aux Pays-Bas, il traite des sujets de prédilection de l’art hollandais comme l’amour vénal dans L’entremetteuse en 1625.

1642

D’après le titre original de La Ronde de nuit, ce tableau est un portrait de « La compagnie de Frans Banning Cocq et Willem van Ruytenburch », l’une des fameuses milices bourgeoises qui défendent Amsterdam vers 1642. Au lieu d’une pose rigide et respectable, le peintre dispose les arquebusiers en un chaos recherché, parsemé de détails cocasses.

1655

Dès l’adolescence, Rembrandt débute l’exercice singulier de l’autoportrait. On compte 60 peintures, 28 gravures et 16 dessins qui le représentent ! C’est comme s’il avait voulu immortaliser le temps qui passe, figeant chaque étape de sa vie. Il use aussi de ses autoportraits pour travailler la lumière et la matière comme dans cet Autoportrait de 1655 avec son béret de fourrure ou son lourd manteau.

Vers 1658

La Ruelle est une œuvre qui célèbre la vie domestique. C’est un paysage typique de la vieille ville de Delft avec une simple maison ancienne. La Hollande du 17ème est une société neuve qui interdit les images dans ses églises protestantes. Les peintres ne reçoivent donc plus leurs commandes du clergé, mais des particuliers, qui décorent leur intérieur et veulent des sujets qui leur ressemblent.

Années 1660

Durant cette période, Vermeer peint certains de ses tableaux les plus célèbres comme La laitière en 1660 et La jeune fille à la perle en 1665. Ces scènes calmes et sereines reflètent bien son œuvre, caractérisée par le procédé qu’il a inventé : le pointillisme lumineux. Sur une couche encore fraîche, il dépose une goutte de tonalité plus claire, partout où la lumière doit accrocher.

Vers 1690-1720

Rachel Ruysch est l’une des rares femmes peintres dans l’histoire de la peinture. Elle a vécu près de 86 ans et eut une œuvre prolifique mais on en sait évidemment plus sur son père et son mari. Sa Nature morte avec fleurs dans un vase de verre est pourtant un modèle du genre auquel elle consacre toute sa vie. Le motif des bouquets de fleurs atteint son apogée à la fin du siècle.

1888

Avec ses tournesols peints en 1888, Van Gogh renouvelle la notion de nature « morte ». Les couleurs sont d’une force inouïe. Pour ajouter plus d’énergie, Vincent utilise des touches différentes entre le vase et le fond d’un côté, et les fleurs de l’autre, qui paraissent ainsi plus mobiles. Les tournesols est l’un des sujets préférés de l’artiste et le plus connu !

1889

Van Gogh, à peine arrivé à Arles, est frappé par les « nuits fort belles de la Provence ». Le ciel lui semble plus clair que dans le Nord, et les étoiles y brillent d’un éclat plus grand. Il décide de peindre ce motif et le projet mûrit l’été 1889. L’artiste se promène la nuit et remarque la variété des couleurs du ciel et des nuages.

20ème siècle

Héritier de ces peintres hollandais, Mondrian imprègne son art des bouleversements du début XXe : de la lumière à la bougie aux lampes fluorescentes ; de l’austérité calviniste à l’avènement d’une musique rythmée et moderne - le jazz ; des paysages linéaires hollandais vers l’élévation vertigineuse des gratte-ciel de Manhattan.

écoutez la playlist de l'exposition

Les œuvres phares

<i>La Jeune fille à la perle </i>

La Jeune fille à la perle

Johannes Vermeer , 1665 , huile sur toile , 44,5 x 39 cm , Mauritshuis, La Haye , © Mauritshuis, The Hague

<i>Vue de Delft</i>

Vue de Delft

Johannes Vermeer , vers 1660-1661 , huile sur toile , 96,5 x 115,7 cm , Mauritshuis, La Haye , © Mauritshuis, The Hague

<i>Autoportrait au chapeau de paille</i>

Autoportrait au chapeau de paille

Vincent van Gogh , 1887 , huile sur toile , 40,6 x 31,8 cm , Legs de Mme Adélaïde Milton de Groot (1876-1967), 1967, The Metropolitan Museum of Art, New York , © CC0 1.0 Universal/ www.metmuseum.org

<i>L’Art de la Peinture</i>

L’Art de la Peinture

Johannes Vermeer , 1666-1668 , huile sur toile , 120 x 100 cm , Kunsthistorisches Museum, Vienne , © akg-images

<i>La Méridienne</i>

La Méridienne

Vincent van Gogh , 1889-1890 , huile sur toile , 73 x 91 cm , musée d’Orsay, Paris , Frank Buffetrille. All rights reserved 2023 , © Bridgeman Images

<i>La Ronde de Nuit</i>

La Ronde de Nuit

Rembrandt van Rijn , 1642 , huile sur toile , 379,5 x 453,5 cm , Rijksmuseum, Amsterdam , © Rijksmuseum - CC0 1.0

<i>Paysage d’hiver avec patineurs</i>

Paysage d’hiver avec patineurs

Hendrick Avercamp , vers 1608 , huile sur panneau , 77,3 x 131,9 cm , Rijksmuseum, Amsterdam , © Rijksmuseum - CC0 1.0

<i>La Nuit étoilée</i>

La Nuit étoilée

Vincent van Gogh , 1889 , huile sur toile , 73,7 x 92,1 cm , Acquis grâce au legs Lillie P. Bliss Bequest (par échange), Museum of Modern Art, New York , © Bridgeman Images

<i>Portrait de l’artiste</i>

Portrait de l’artiste

Vincent van Gogh , 1889 , huile sur toile , 65 x 54,2 cm , Don de Paul et Marguerite Gachet, enfants du docteur Gachet, 1949, musée d’Orsay, Paris , © Bridgeman Images

<i>Nature morte aux fleurs sur une table de marbre</i>

Nature morte aux fleurs sur une table de marbre

Rachel Ruysch , 1716 , huile sur toile , 48,5 x 39,5 cm , Rijksmuseum, Amsterdam , © Rijksmuseum - CC0 1.0

<i>La Ruelle</i>

La Ruelle

Johannes Vermeer , vers 1658 , huile sur toile , 54,3 x 44 cm , Rijksmuseum, Amsterdam , © Rijksmuseum - CC0 1.0

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